Presse Start : 40 ans de magazines de jeux vidéo en France

par | 8 Nov 2022

Si vous avez connu des revues comme Tilt, Generation 4 ou Joystick, c’est que vous n’êtes plus tout jeune vous aussi. Mais c’est aussi que vous avez connu l’âge d’or de la Presse Vidéoludique, là où tout se  construisait, avant l’érosion, avant les ravages de la stratégie de Future Publishing… avant l’ère d’Internet et ensuite des influenceurs. Je viens de terminer Presse Start aux éditions Omaké, je vous en parle un dans cet article.

3615 code CMaVie

Oh le gars, il nous parle de quoi… un minitel… oh, mais le vielliard ! Mon premier magazine de jeu vidéo, c’était Amstrad Magazine, le Numéro 21 d’Avril 1987 (merci internet, et surtout abandonware-magazines.org). On s’en fout, me direz-vous, mais j’introduis par cela pour expliquer aux plus jeunes pourquoi il y a une certaine nostalgie à lire ce livre, Presse Start. À l’époque, je n’avais pas internet et il me faudra attendre presque 10 ans pour l’avoir à l’université. Le seul contact que j’avais avec l’informatique, et plus précisément avec le jeu vidéo, c’était la presse et quelques livres. Après AM, j’ai lu Amstar, puis Amstrad 100% (ben oui, j’ai commencé là-dessus), pour en arriver à des magazines plus génériques comme Génération 4 (voir cet article précédent qui retrace l’histoire de ce mag) et Tilt. Au début, les mags c’était du test de jeu vidéo, des soluces, mais aussi des listings de code à recopier. On apprenait un peu à programmer grâce à eux. Puis cette dimension a disparu, et plus tard, ce sont les CD qui viennent accompagner les magazines, avec des jeux à tester et des outils. Ce qui sera tué progressivement par le déploiement d’internet. Les mags, c’était mon contact avec ce monde car je ne connaissais presque personne qui s’y intéressait.

Presse Start

Sur le site des éditions Omaké, on peut lire : « Dans les années 1980 et 1990, les magazines de jeux vidéo faisaient rêver les gamers en culotte-courte, parfois presqu’autant que les jeux vidéo eux-mêmes ! Véritables doudous pour certains, outils vitaux d’informations pour les autres, les revues spécialisées méritaient que l’on raconte enfin leur histoire. Ainsi, sur plus de 400 pages, vous découvrirez l’épopée passionnante des magazines de jeux vidéo français, de leurs débuts avec Tilt en 1982 jusqu’aux titres les plus récents, en passant par Joystick, Player One ou encore Consoles +. Fruit de plus de cinq années de travail de recherche de la part des deux auteurs, Presse Start regorge d’anecdotes inédites et de témoignages exclusifs des acteurs de l’époque. »

Les premiers magazines dans le jeu vidéo étaient perçus par la profession comme des ovnis. Les rédacteurs étaient relativement jeunes, bossaient jour et nuit et n’avaient rien de journalistes. Enfin, c’était au tout début et c’était sans compter Tilt qui a mis une sorte de pavé dans la mare, là où on considérait avant comme puéril le lectorat qui s’intéressait au jeu vidéo. C’est intéressant de voir comment tout cela s’est structuré, d’en savoir un peu plus sur le parcours de ces rédacteurs plus connus souvent par leur pseudo, comme Jérôme Daurnaudet aka Lord Casque Noir qui nous a malheureusement quitté il y a quelques années. Le livre nous parle aussi de la naissance des Mooks (contraction de Magazine et de Book) avec l’initiative de Pix’n Love pour le retrogaming.  On parle aussi d’IG Mag et de Dofus, dont la rédactrice en chef était Bounthavy Suvilay que nous avons interviewée dans le magazine #12. Bref, une histoire très riche et très intéressante pour ceux qui ont connu cette période et ceux qui se destinent plus ou moins à ce métier.

Parmi les points forts, on retiendra le fait que c’est le premier ouvrage entièrement dédié à l’histoire des magazines français de jeux vidéo. Il serait aussi intéressant d’avoir le point de vue des éditeurs et développeurs de jeux vidéo de l’époque. C’est un travail qui a nécessité plus de 5 ans d’enquête à ses auteurs, répertoriant pas moins de 226 titres français… On y découvre nombre d’anecdotes, dont certaines laissent parfois sur le cul ! Des entretiens inédits avec les grands noms de la presse vidéoludique française : Michel Desangles, Cyrille Baron, Ivan Gaudé, Marc Andersen, Jean-François Morisse, Brice N’Guessan, Jean-Kléber Lauret, William Audureau, Julien Chièze, Stéphane Lavoisard, Grouard Georges, Olivier Lehmann…

Les auteurs

Boris KRYWICKI est assistant et chercheur au Département Culture, Médias et Communication de l’Université de Liège. Diplômé en journalisme, il enseigne les techniques d’investigation, la déontologie de l’information, et épisodiquement l’histoire de la presse vidéoludique. Il a été publié dans Manuel d’analyse de la presse magazine (Armand Colin, 2018) et Culture vidéoludique ! (Presses Universitaires de Liège, 2019).

Yves BREEM est est le spécialiste depuis 2008 de la presse jeu vidéo de MO5.COM, la plus grosse association européenne pour la préservation du patrimoine informatique et vidéoludique. Secrétaire de MO5.COM pendant trois ans, il a fondé en 2012 les podcasts sur l’histoire des magazines, dont il est toujours responsable. Il est l’auteur d’une dizaine de conférences sur le sujet.

Et maintenant ?

La fin, on la connait : une contraction des ventes et du nombre de magazines (quoique, cela repart parfois), avec un volume moyen inférieur à 20.000 unités mensuelles (numériques inclus) – et encore, les chiffres sont à prendre avec des pincettes puisque certains vont jusqu’à faire acheter en kiosque leurs numéros par leurs salariés et collaborateurs, afin de gonfler ces derniers et pouvoir justifier du tarif des publicités.  Mais ce n’est que le jeu vidéo qui connait cela. Ce qui a tué la presse papier, c’est l’évolution des technologies, des habitudes de consommation et peut-être le niveau général d’éducation des gens (aïe, je vais me faire taper sur les doigts – mais le ton est plus libre sur le blog). Cela a commencé avec les sites internet, mais les mobiles ont vraiment accentué la chose. Puis, il y a eu le raz-de-marée YouTube. Certains jeunes ne savent pas ce que c’est qu’un magazine, alors qu’ils savent ce qu’est un Let’s Play en Stream sur Twitch ou YouTube. Bref, on s’en fout désormais si le vidéaste est payé pour surjouer et qu’il n’utilise que 1000 mots du dictionnaire pour beugler dans ses vidéos. C’est pas grave, parce que c’est ce qu’on attend d’eux. Les médias changent, mais les auditeurs aussi. Même les blogs ne font plus recette, il faut mettre moins de mots (à la fois en quantité et en richesse), plus d’images… non, il faudrait que tout soit en vidéo, qu’il n’y ait plus aucun effort à faire. Ou alors, il faut un public de niche, avec des niches de plus en plus petites qui ne permettent pas, dans la francophonie, de gagner correctement sa vie. Et même là, il faut souvent faire de « beaux livres » qu’on peut collectionner, car la plupart sont exposés dans une bibliothèque de la maison et ne sont jamais lus.

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