Faut-il créer une nouveau Système d’Exploitation pour le Metaverse ?

par | 16 Nov 2022

Le metaverse (contraction de « méta » et « univers », c’est-à-dire méta-univers) est un réseau d’environnements virtuels persistents (toujours actifs) dans lequel de nombreuses personnes peuvent interagir entre elles et avec ces objets numériques tout en exploitant des représentations virtuelles – ou avatars- d’elles-mêmes. En gros, c’est souvent assimilé à un Internet avec de la Réalité Virtuelle (VR) en plus, même si c’est une grossière approximation. Faudrait-il construire un système d’exploitation (OS) dédié au metaverse ou se contenter d’une couche applicative comme aujourd’hui ? C’est sur cette réflexion que nous  commençons cet article.

Constat : pas de Système d’Exploitation dédié

Aujourd’hui, le metaverse se construit sur des technologies et infrastructures existantes qui n’ont pas forcément été créées pour lui à la base. Il n’y a qu’à penser à nos systèmes d’exploitations qui ne considères la VR que comme une sur-couche applicative, et ne parlons même pas du web… Nous développons de nouveaux matériels mais sans toucher au sacro-saint Système d’Exploitation. Mais pourquoi faire me direz-vous ?

Outlier Ventures  défend cette idée avec une proposition de système d’exploitation Open Metaverse, un ensemble d’outils et de technologies entièrement décentralisés plutôt que des plates-formes propriétaires conçues uniquement pour fonctionner via des normes et des API. Mais on est loin d’avoir ici la définition d’un nouvel OS.

Pour développer le métaverse, nous aurons besoin de nombreux nouveaux outils et technologies. Ils couvriront le rendu, le calcul, la XR, les paiements, les outils, la projection, la compression volumétrique, l’IA, le ML, etc. Et la qualité et la capacité de ces outils seront essentielles pour ce qui est construit et par combien de constructeurs. Mais il en va de même pour les taux requis par ces outils et technologies, la mesure dans laquelle ils enferment les développeurs et la manière dont ils limitent le choix des consommateurs et la création d’innovations concurrentes.

À mesure que le besoin de solutions d’échange augmente, l’économie tend à générer une solution. Par exemple, Pixar de Disney a ouvert son format de fichier Universal Scene Description (USD) pour aider les développeurs à créer des données 3D interchangeables. La plate-forme Omniverse de Nvidia utilise ensuite USD pour rassembler de manière cohérente les actifs de Maya, Houdini, Unreal, AutoCAD, etc., dans un environnement virtuel partagé. La plate-forme Twinmotion d’Epic peut également être utilisée pour importer des modèles à partir de presque tous les programmes BIM et CAO, tels que Archicad, Revit, SketchUp Pro, RIKCAD et Rhino, et utilisera ensuite l’apprentissage automatique et l’IA pour les mettre à niveau et les intégrer dans la mesure du possible et dans un question de minutes.

Matthew Ball — Échange, outils et normes

Ici non plus, nous n’avons pas vraimé la définition d’un OS, juste d’une pile de logiciels existantes au sein d’une galaxie d’applications.

Si vous regardez la  liste des systèmes d’exploitation existants , aucun ne convient ou n’a été écrit spécifiquement pour le monde virtuel ou l’implémentation du métaverse. Nous partons déjà mal – nous nous appuyons uniquement sur Microsoft Windows, Apple MacOS, Android ou même Linux

Sur quoi repose la définition d’un Metaverse aujourd’hui ?

Ce que nous avons aujourd’hui, c’est qu’Epic Games, Unity, NVIDIA, ARM, Valve, Facebook, Amazon, Microsoft, Apple… et les nombreuses autres entreprises qu’ils finiront par acquérir et avaler, ont créé et vont créer un ensemble d’outils spécifiquement destinés à la conception, à la construction et à l’exploitation de leurs versions du métaverse. Ils rivaliseront tous pour créer un ensemble de normes apparemment ouvertes, mais ne voudront pas renoncer à leur sentiment de propriété exclusive.

La construction du métaverse dépend aujourd’hui de moteurs de jeu tels que Unity3D et Unreal Engine, mais dans les années à venir, nous verrons de plus en plus de tentatives financées par des entreprises pour lutter contre ce contrôle des deux ou trois solutions principales. Cela signifie également que les plates-formes sur lesquelles chaque version du métaverse existera commenceront également à diverger – actuellement, elles sont interchangeables et accessibles sur plusieurs plates-formes PC, mobile et console, mais des mondes propriétaires existeront certainement.

Si les API sont essentielles à l’interopérabilité et à la nécessité d’utiliser des outils dans l’ensemble de l’écosystème, mais ce ne sera pas la solution miracle car les plates-formes se concurrencent et se fragmentent.

Pas de métaverse englobant pour les gouverner tous : De la même manière, il n’y aura jamais un seul  Skynet  d’intelligence artificielle générale. Il y aura des centaines de métavers, répartis dans un multivers de genres et de types pour que les gens puissent interagir, vivre et mener des affaires et des loisirs. Sans parler des versions personnelles.

Quelques OS de Metaverse existants

Croquet OS

Croquet OS  est une plate-forme et un IDE pour le développement de Metaverse pour le Web et le Mobile. L’IDE permet aux développeurs de créer et de déployer « des mondes virtuels Web et Web3 interopérables [basés sur des normes] », a déclaré la société dans un communiqué.

Il s’agit d’un système de synchronisation pour les expériences Metaverse multi-utilisateurs. Il permet à plusieurs utilisateurs de travailler ou de jouer ensemble dans un seul environnement distribué partagé, et il garantit que cet environnement distribué restera identique pour chaque utilisateur. Est-ce pour autant un système d’exploitation ? Non c’est une autre plate-forme avec quelques éléments marqués. Et il est probablement déjà installé sur l’une des plates-formes de système d’exploitation courantes.

OSMP

Les choses deviennent un peu plus intéressantes avec The Open Source Metaverse Project. OSMP  était une plate-forme en ligne de monde virtuel partagé multi-participants. Cette plate-forme était un logiciel gratuit et open source co-fondé en 2004 par Hugh Perkins et Jorge Lima. OSMP a été vaguement calqué sur le World Wide Web en empruntant des idées à des mondes existants tels que Second Life, Active Worlds et There. Le projet visait à produire un moteur open source pour la création de mondes 3D en streaming, permettant également d’interconnecter les mondes existants en un seul métaverse ouvert et basé sur des normes.

Solipsis

Solipsis – pas un système d’exploitation mais il mérite qu’on s’y attarde un instant. L’objectif central de Solipsis était de créer un monde virtuel aussi indépendant que possible de l’influence des intérêts privés, tels que la propriété du serveur. Pour ce faire, il est basé sur un modèle peer-to-peer plutôt que sur le traditionnel serveur-client. De plus, il vise à donner aux utilisateurs plus de flexibilité dans la conception d’interfaces et de contenu dans leurs segments individuels du monde virtuel. Voici une plate-forme de métaverse décentralisée !

Une architecture centralisée ne peut pas conduire à une solution véritablement auto-évolutive, même avec l’utilisation de plusieurs serveurs. En effet, les architectures client-serveur (comme le cloud) entraînent des coûts de déploiement et de maintenance prohibitifs lorsqu’il s’agit d’applications à très grande échelle avec des milliers de clients connectés. D’autre part, grâce à leurs fonctionnalités d’auto-adaptation, les surcouches réseau P2P se sont clairement révélées être une alternative efficace aux serveurs puissants.

Solipsis commençait donc à se présenter comme l’une des tentatives les plus crédibles de construction d’un métaverse décentralisé et ouvert dès 2008 du point de vue de l’infrastructure.

Conclusion

Linux est sorti en 1991, il a fallu environ un an à Torvalds pour développer le noyau Linux à partir de zéro (enfin, en s’inspirer de Minix), puis s’appuyer dessus. Il n’est donc peut-être pas impossible de faire de même, en partant d’une initiatie existante… oui, mais laquelle ?

Mais avant cela, répondons à une question : qui doit venir en premier : le système d’exploitation ou la puce ?

Les gens qui sont vraiment sérieux au sujet des logiciels devraient créer leur propre matériel.
Alan Kay, 1982

Nous prenons des raccourcis et déjà cette dernière itération du métaverse ressemble à celle que nous avions il y a 20 ans avec Second Life. Peu importe si la blockchain ajoute un peu de piquant supplémentaire à l’infrastructure, ou que Fortnite rend tout le monde mouillé d’anticipation, ce n’est pas suffisant pour le sauver.

Nous écrivons des logiciels basés sur les architectures de silicium dont nous disposons actuellement. Cela crée des goulots d’étranglement que le logiciel doit continuellement contourner car les puces n’ont jamais été destinées à un avenir décentralisé.

À toutes fins utiles, CPU pourrait tout aussi bien signifier « unité de traitement centralisée » où nous avons en fait besoin d’une DCU – « unité de traitement décentralisée ».

Mais que se passe-t-il si nous avons besoin de quelque chose de différent sur tous les fronts pour créer le métaverse que nous voulons vraiment, ou libérer Web3 et le construire comme il est censé être construit ?

Des processeurs ou des GPU conçus uniquement pour des systèmes distribués ou un Web décentralisé ?

Les processeurs de grille sont différents des GPU. Là où un GPU multicœur tire sa force de sa capacité à calculer de nombreuses données en parallèle (parallélisme de données SIMD), un processeur de grille est capable de faire en sorte que chaque cœur fasse quelque chose différemment (MIMD, parallélisme basé sur les tâches). On pourrait dire qu’un processeur de grille est un processeur multicœur.

Créer un métaverse ouvert et un web décentralisé restent à ce jour un rêve creux et fragmenté, car la couche de base est totalement absente de l’architecture. L’interopérabilité, par exemple, ne vient pas de la construction de ponts entre les plates-formes, elle doit être là, au niveau racine, au plus profond d’un système d’exploitation lui-même.

Pour ma part, je ne partage pas complètement le contenu de cet article écrit par metapunk pour hackernoon, dont je n’ai fait qu’une libre traduction ici, en omettant certains aspects (article d’origine : The Metaverse Needs an Operating System d’octobre 2022). Un système d’exploitation a pour unique fonction, à mon avis, de permettre à un utilisateur ou une application d’exploiter au mieux le matériel, en liaison avec les drivers. À partir du moment où les fonctions de base sont remplies, tout le reste doit rester « abstraction ». Le multivers, en réalité, une galaxie de multivers, va tourner sur un grand nombre de machines – en cela, il sera décentralisé. Nous avons juste besoin d’une norme, comme l’est le World Wide Web pour permettre à ces multivers de dialoguer entre eux. Et cela sera assuré par des couches applicatives respectant cette norme, qui sera elle-même intégrée à des outils de développement comme Unreal Engine, permettant ainsi de créer des noeuds d’un multivers global.

Enfin, quelque chose m’échappe peut-être. J’ai un peu de mal quand on me dit par exemple que le web est centralisé… Non, il a toujours été décentralisé, c’est le fonctionnement même d’internet. Chacun peut avoir un serveur et héberger ses pages web, voire ses applications. Mais c’est surtout qu’aujourd’hui, les GAFA ont tendances à accaparer le trafic des internautes, ne les laissant que difficilement sortir de leur plateforme. Mais ce n’est pas la technologie qui fait cela, juste des habitudes de consommation. Bon, je suis un peu de mauvaise fois, sans Google, personne ou presque n’arriverait sur votre site hébergé chez vous par exemple. La faute en revient certainement aux pouvoirs publics qui ont laissé une compagnie prendre le monopole (au moins en occident) des recherches sur le net.

En tous cas, je trouve que vouloir créer un OS pour le metaverse est un peu d’arrière-garde, comme réinventer la roue. A la rigueur, je verrais bien une surchouche de Linux, au pire… mais pour les drivers, ce n’est pas top. Peut-être prenons-nous actuellement tout de même le bon chemin, on verra bien.

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