Le game design selon Will Wright

par | 25 Oct 2021

Will Wright est l’un des concepteurs de jeux vidéo les plus célèbres. On lui doit notamment toute la série des SimCity, des Sims ainsi que le jeu Spore. Une de ses plus grandes qualités est de faire des jeux vidéo didactiques avec une phase d’apprentissage rapide en laissant au joueur une grande liberté d’action dans la façon d’atteindre « son » objectif. C’est ce qui, entre autres, en fait un très bon game designer.

Nous vous proposons dans ce dossier de voir ensemble, quelques leçons de Game Design selon Will Wright, telles qu’il les a définies dans sa Master Class « Teaches Game Design and Theory ». 

Will Wright: Sa vie, son œuvre

Voulant implémenter “Game of Life” de Conway, Wright a appris de lui-même à programmer. Alors que d’autres produisaient déjà plusieurs jeux vidéo Apple, Wright a décidé de développer pour le nouveau Commodore 64. Son premier jeu, sorti en 1984 est « Raid on Bungeling Bay », édité par Broderbund, un assez gros éditeur de l’époque. C’est un shoot them up où l’on pilote un hélicoptère. La passion du design est déjà là, on y trouve des bâtiments, des rivières, des arbres. Wright a constaté qu’il avait plus de plaisir à créer les îles avec son éditeur de niveaux qu’il n’en avait à jouer au jeu.

Suite au succès de SimCity, Will travaille sur plusieurs autres simulations comme SimEarth en 1990 et écrit lui-même l’introduction du manuel. Suivra SimAnt, un simulateur s’intéressant à la vie des fourmis au sein d’une colonie. Will travaille également sur SimCity 2000 avec Fed Haslam. Entre-temps, Maxis continue à produire des jeux de simulation comme SimLife et SimCopter. En 1995, ce studio avait un revenu de 38 millions de dollars. Mais deux ans après, alors qu’il affichait des pertes importantes, faisant ainsi chuter l’action, le studio a été racheté par Electronic Arts. Will commençait à travailler sur un obscur projet de « maison de poupées » virtuelle, similaire à SimCity mais axé sur les individus.

Écoutez cet extrait :

Le game design selon Will Wright

Pour Will, le Game Design est avant tout « permettre à chacun d’accéder plus facilement au jeu qui est une disposition naturelle », c’est-à-dire, d’en simplifier l’approche et de l’orienter. Pour lui, toute activité, aussi sérieuse soit-elle, de l’apprentissage à la simulation, peut se transformer en jeu par ce processus. Enfant, nous jouions avec presque tout – et nous avions beaucoup à apprendre. Il s’agit de savoir utiliser les contraintes pour créer, tout explorant juste ce qu’il faut.

Pour son jeu SimCity, Will s’est inspiré du fonctionnement réel d’une cité en lisant le livre « Urban Dynamics » de Jay W. Forrester, le premier à modéliser le fonctionnement d’une ville sur ordinateur. Will s’est également inspiré de « The Ants » de Bert Holldobler et Edward Wilson pour le jeu SimAnt. D’autres ouvrages l’ont inspiré pour « The Sims ». La lecture de livres est l’une des premières sources d’inspiration.

Quand Will a une idée de jeu, il essaye de réaliser un prototype le plus tôt possible. Le Rapid Prototyping est la discipline centrale du processus de création d’un jeu. « A prototype is a navigation instrument… it’s a compass » : Un prototype est un outil de navigation, une boussole.

Une histoire peut être construite à partir de plusieurs composantes: les personnages, les objets, les lieux, les faits, etc. Ces éléments, pris individuellement ou en groupe, peuvent générer un jeu, au sens premier, comme on peut jouer avec les figurines de Star Wars et inventer une histoire au fur et à mesure.

Will est fasciné par le fait de “permettre aux joueurs de développer leur propre histoire”. Selon Will, « pour beaucoup de gens, les jeux deviennent une part intégrale de leur identité ». La création d’un jeu tient plus de la programmation du cerveau des joueurs que du jeu lui-même.

En établissant les règles du monde dans lequel se déroule un jeu, en permettant des interactions et en laissant des libertés au joueur, nous développons un langage que le joueur apprend durant la partie. On peut définir ce langage comme un système partagé de signes et de symboles que le designer va utiliser pour communiquer avec le joueur.

La propriété d’un objet ou la caractéristique d’un environnement immédiat indique l’utilisation de celui-ci. L’affordance n’est pas que visuelle, mais perceptive dans son ensemble. Par exemple, la forme et position d’une poignée de porte suggèrent d’utiliser sa main et de tourner afin d’ouvrir la porte, tandis que la forme et la position d’une pédale de voiture suggèrent d’appuyer avec le pied.

Les mécaniques de jeu sont un sous-système de règles qui définissent la manière de jouer à un jeu vidéo, d’interagir avec l’environnement. Ce sont un peu les règles sous-jacentes: si je fais ceci, alors il se produira cela.

Pour Will, les jeux les plus créatifs de ces dernières années sont des jeux pour mobiles. C’est un format excellent, disposant des contrôleurs particuliers, comme le « touch » ou les capteurs comme le gyromètre ou l’accéléromètre, sans oublier la Réalité Augmentée qui commence à se démocratiser. Les jeux sur mobiles intéressent beaucoup les studios indépendants. Ils ont un coût de développement moindre et permettent d’explorer de nouveaux gameplays, de créer des expériences qu’on ne s’autorise plus à tester sur d’autres supports.

La réalité virtuelle et augmentée permettent d’envisager des expériences encore plus immersives, encore plus fun. Il y a un réel potentiel en termes de marché. Pour Will, c’est probablement la réalité augmentée qui a le plus de potentiel pour le game design, mais il parle surtout de réalité mixte ou étendue. La caractéristique de l’évolution du game design est qu’elle devient de plus en plus imprévisible selon Will.

Zoom sur le jeu Spore

S’étant intéressé de près au projet Seti, au principe anthropique, au paradoxe de fermi, à l’équation de Drake et à l’origine de la vie, Will Wright a commencé à travailler sur le projet «Spore». Ce jeu s’intéresse au développement de la vie, de l’infiniment grand, c’est-à-dire à l’échelle des galaxies, à l’infiniment petit, l’échelle microscopique des bactéries.

Le jeu commence dans une mare, en tant que minuscule créature unicellulaire. À l’échelle d’une planète, la vision que le joueur en a est celle d’une «planète-jouet», c’est une simulation mais à un niveau macroscopique. Les interactions ne sont plus celles qu’on pouvait avoir avec une créature, il y a d’autres leviers, d’autres outils pour influencer le développement de cette planète. C’est presque un jeu différent, mais on y retrouve la civilisation créée par notre créature, des villes et ses édifices. En approchant, on peut même voir nos créatures se promener. Il est difficile d’imaginer comment un jeu peut partir d’un être unicellulaire et arriver à des civilisations intergalactiques qui voyagent au travers de trous noirs. Et s’il n’y avait pas ce changement de zoom côté gameplay, c’est-à-dire, ce niveau d’abstraction différent qui fait qu’on passe, en réalité, d’un jeu à un autre , alors tout cela aurait été impossible avec les moyens de l’époque.

Pour résumer, Spore est un jeu hors du temps, hors de tout classement.

Conclusion

Will continue à développer des projets. Son dernier en date est Proxi. Présenté en 2018, Will est revenu sur ce dernier à la Game Developper Conference de 2020. C’est le thème qu’il explore avec son nouveau projet, Proxi. C’est une simulation d’intelligence artificielle basée sur notre mémoire et nos interactions avec le jeu. Et toute la difficulté pour lui, à notre sens, a été de fondre son approche dans un moule pour en extraire une méthodologie.

Vous trouverez un article plus détaillé dans le magazine « Les Créateurs de Mondes » n°1 disponible ici.

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