Oui, ce n’est pas un news, mais vous êtes peut-être passés à coté, pourtant, ça vaut le coup de s’intéresser de plus près aux coulisses du développement de ce Hit Game sorti sur N64 il y a un peu plus de 20 ans. Dans ce GDC Europe Talk de 2012, soit 15 ans après le lancement de GoldenEye 007 dans les magasins, Martin Hollis nous présente un making of Goldeneye 007 qui est devenu le FPS légendaire de la N64.
Considéré par beaucoup comme l’une des meilleures expériences de jeu multijoueur les plus addictives sur la Nintendo 64 – ou sur n’importe quelle plate-forme dans les années 90 – le GoldenEye 007 de Rare (studio créé en 1985, racheté par Nintendo en 1995, puis par Microsoft en 2002) établit la norme pour ce qu’un jeu de tir à la première personne sur une console pourrait accomplir.
Making of Goldeneye: les coulisses
En 1994, Nintendo obtient auprès d’EON Productions les droits pour réaliser un jeu vidéo sur le prochain James Bond et propose à Rare de s’en occuper.
Prévu pour se dérouler sur 1 an avec une équipe de 10 personnes, le projet initial est de faire un jeu de plate-forme en deux dimensions sur Super Nintendo.
L’équipe, dirigée par Tim Stamper et composée d’autres personnes ayant travaillé sur Donkey Kong Country, rencontrent l’équipe du film mais, faute d’enthousiasme, le projet s’éteint.
Attiré par la licence James Bond, Martin Hollis, qui était alors second programmeur et venait de terminer son travail sur le jeu d’arcade Killer Instinct, propose alors à Tim Stamper de prendre le relais avec une nouvelle équipe afin de concevoir un jeu de tir en trois dimensions sur la future console de Nintendo, l’Ultra 64 (qui deviendra la Nintendo 64). La SGI Onyx (150 000 $), a été utilisée à la place de la Nintendo 64 au début du développement.
En mars 1995, le travail reprend avec la nouvelle équipe. Pendant les premiers mois, GoldenEye 007 est prévu pour être un rail shooter. C’est un jeu dans lequel le personnage se déplace automatiquement (façon Virtua Cop). Mais Martin Hollis souhaite aussi en faire un véritable jeu de tir à la première personne. L’équipe imagine donc 2 modes de jeu : une version rail shooter et une version FPS.
Le flou est entretenu par le fait que les développeurs n’ont pas de Nintendo 64 à leur disposition et ne connaissent donc pas à ce stade la façon dont se contrôle la console. Sans kit de développement spécifique à la Nintendo 64 pendant la première année et demi de développement, l’équipe utilise la SGI Onyx pour émuler GoldenEye 007 et raccorde une manette de Saturn pour les playtests.
Gamedesign, à l’envers ?
Si le gameplay du jeu est encore vague, l’équipe a déjà une vision plus concrète du design du jeu.
Les effets visuels et la cinétique sont inspirés de films de John Woo comme « À toute épreuve ». L’équipe a déjà en tête la liste des niveaux repris du film, ainsi que les armes et les personnages du jeu qui seront présents. Plusieurs missions du jeu ont été modifiées ou allongées pour permettre au joueur d’aller plus loin que le film en jouant des séquences que Bond n’est pas censé vivre ou dans lesquelles il ne jouait qu’un petit rôle.
Pour les gadgets, une quarantaine de gadgets utilisés dans les films sont listés par Hollis et en grande partie modélisés avant que David Doak et Duncan Botwood, les game designers, imaginent lesquels pourraient être inclus dans le jeu.
Hollis explique : « c’est du game design à l’envers, mais ça a très bien marché. […] Ces choses ont permis au gameplay et au style du jeu d’être ce qu’ils sont ».
L’équipe visite plusieurs fois les décors du films pour s’imprégner de l’ambiance et s’en inspirer pour l’architecture des niveaux du jeu. Les level designers conçoivent les niveaux sans connaître les points d’entrée et de sortie du joueur, ni la position des ennemis et des objectifs. Ce n’est qu’une fois le niveau conçu que Doak et Botwood imagine la disposition des ennemis et du reste. Ainsi, des parties des niveaux n’ont pas d’utilité précise et il peut exister plusieurs chemins pour traverser le niveau.
D’après Hollis, cette « approche anti-game design » permet d’apporter une impression de liberté et un rendu plus réaliste. Et je pense en effet que c’est un point très important. Aujourd’hui, les jeux sont trop souvent de type « couloirs scriptés »… et à force, on a l’impression d’être dans un film interactif. En même temps, chaque m² de level design en plus est souvent un coup supplémentaire, hors génération procédurale.
Du retard est à prévoir…
GoldenEye 007 est présenté pour la première fois au salon Nintendo Shoshinkai de novembre 1995. Le jeu s’appelait alors simplement Bond, était encore un rail shooter, et passe relativement inaperçu. La caméra du jeu étant déjà programmé pour « voler » à travers le niveau, le succès de Doom et de Quake fait prendre conscience à l’équipe qu’ils peuvent faire de GoldenEye 007 un jeu de tir à la première personne à part entière.
Au terme du délai initialement prévu, le pipeline et le moteur graphique sont fonctionnels mais le jeu est loin d’être terminé. Les bases étant posées, la dernière année est donc passée à réellement faire le jeu. Pour accélérer la cadence, il leur est alloué davantage de personnel. Steve Ellis rejoint notamment l’équipe à ce moment.
Des débutants dans l’équipe, c’est mal ?
La plupart des membres de l’équipe débutaient dans la conception de jeu. Mais, selon Hollis, cela a été compensé par le talent et le dévouement de l’équipe. Graeme Norgate explique : « comme c’était le premier jeu de la plupart des personnes, nous avons fait des choses que nous ne referions peut être pas parce que cela demande trop de travail. Nous n’avons pas pris le chemin le plus facile. Si quelque chose sonnait comme une bonne idée, on se disait ‘ouais faisons ça !' ».
Et quid de l’IA que tout le monde vantait ?
A l’origine du projet, l’IA est étudiée pour être particulièrement ambitieuse avec des ennemis qui se servent de leurs yeux et de leurs oreilles et réagissent intelligemment.
D’après Hollis, « l’IA n’est pas si intelligente: Il y a un garde. Il vous voit. Soit il vous attaque, soit il court enclencher l’alarme. Certains patrouillent, d’autres non et restent simplement sur place. C’était révolutionnaire à l’époque, mais pourtant pas si futé. »
Pour Hollis, l’essentiel n’est pas tant d’avoir une IA sophistiquée que de l’exploiter correctement. L’idée, c’est de la mettre en avant pour que le joueur la remarque. On encourage, par exemple, une approche discrète par le joueur, avec la présence d’armes silencieuses ou la possibilité pour les ennemis de donner l’alarme.
La stratégie est aussi renforcée avec la prise en compte de la localisation des dégâts, un tir à la tête suffisant à tuer un ennemi. C’est une approche que nombre de jeux ont réutilisé par la suite en l’améliorant.
Pas de multijoueur si on suit Nintendo !
Une fois l’essentiel du jeu terminé, Nintendo prévient Rare qu’ils ne sont pas autorisés à travailler sur un mode multijoueur. Ce serait une folie de se lancer dedans si tard dans le développement. Steve Ellis se fournit alors une copie du code source du jeu solo et conçoit un mode multijoueur de son côté. Duncan Botwood le met en place dans le jeu et Karl Hilton les aide pour les décors.
Le mode multijoueur est finalement programmé en un mois. Il faut parfois écouter son intuition et prendre des risques. Ce jeu n’aurait pas eu autant d’impact sans le mode multijoueur.
C’est lui qui m’a permis de dégouter un enfant de 15 ans, à l’époque, qui y jouait depuis des semaines. De mon coté, je n’avais pas de console et c’était la première fois que j’y jouais. Mais pas le coté FPS évidemment, j’était un mordu de Wolfenstein, Doom, Quake et Duke Nukem. C’était jouissif ^^ Bon, c’est l’égo, je me vante… Depuis, j’ai pris des branlés par des Gamers hardcore et j’ai vite déchanté !
Une sortie Tardive, mais un Hit planétaire
GoldenEye 007 sort en 1997, soit 2 ans après la sortie du film, ce qui est très tardif coté marketing. En tous cas, c’était plutôt intéressant de pouvoir suivre ce making of Goldeneye. Ou plutôt, ce postmortem en vidéo présenté par Martin Hollis himself !
Un remake sur Wii a été réalisé, il est sorti en 2010 (voir cette vidéo de test). Il ne laissera pas la même empreinte que son prédécesseur, mais il faut dire que la barre était relativement haute. Voilà, j’espère que ce petit retour en arrière vous a intéressé. J’ai vraiment pompé outrageusement wikipédia pour écrire l’article, qui, il faut dire, était bien documentée.
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